«UNE LOI QUI PROTEGE LA FEMME DANS SA GLOBALITÉ»
25 novembre 2013 12 h 00 min
Par Zora El Hajji
Najat Razi est présidente de l’Association marocaine pour la défense des droits des femmes (AMDF) et directrice du Centre Habiba Zahi. Entretien.
ILLI : Quelles sont les raisons de la violence contre les femmes ?
Najat Razi : Il y a un dénominateur commun : la domination. Les hommes cherchent encore à entretenir un rapport d’autorité face aux femmes. L’origine de cette violence est d’abord sociale. Le patriarcat reste ancré dans les mentalités, et il s’applique majoritairement par la violence. Le manque d’autonomie financière et de soutien juridique envers les femmes vient renforcer cette soumission. Le centre d’accueil Habiba Zahi, que je dirige, accueille plus de 1 300 cas par an.
ILLI : Vous attendiez-vous à ce chiffre lors de l’ouverture ?
N. R. : Depuis septembre 2010, nous avons déjà reçu plus de 4 000 cas ! Ce nombre dépasse tout entendement et illustre bien, hélas, la situation de la femme. Au départ, le centre était censé accueillir 400 bénéficiaires par an. Les femmes qui viennent au centre sont trois fois plus nombreuses.
ILLI : Ce chiffre évoque-t-il aussi un affranchissement des femmes par rapport à la violence. Osent-elles davantage dire ?
N. R. : Les femmes secouent de plus en plus les préjugés. Elles se défont progressivement du fardeau social et cherchent à affronter la violence. Le vrai problème réside dans la victimisation qui persiste dans les mentalités. C’est là-dessus que les efforts doivent principalement porter. Nous sommes en plein chantier.
ILLI : Dans ce chantier contre la violence, quel soutien apporte aujourd’hui le système juridique ?
N. R. : Le Code de la famille est une véritable arme de combat, mais son application reste très problématique. Les failles sont telles que les contournements et les détournements du texte sont légion. Une loi claire et nette contre la violence à l’égard des femmes doit être promulguée. Celle proposée par la ministre Bassima Hakkaoui, dénonce la violence au sein de la seule cellule familiale. Pour notre part, nous parlons de la femme en tant qu’individu. La violence contre la femme doit être impérativement punie par une loi claire et sans détours, quel qu’en soit le cadre. Le projet de loi a connu de nombreuses modifications depuis 2006. Sous l’ancienne ministre Yasmina Baddou, le document s’intitulait « loi contre la violence à l’égard des femmes ». Ce texte n’a pas abouti pour cause de résistance des décideurs quant au contenu. Repris en 2007 par Nouzha Skalli, le projet s’est transformé en « loi contre la violence conjugale ». A la suite d’une réticence de la part du ministère de la Justice, le projet est aussi tombé à l’eau. En 2011, Bassima Hakkoui a repris le projet, qui devrait être adopté en décembre prochain. Selon nos informateurs, le texte final s’intitulera « loi contre la violence familiale ». Nous pensons, quant à nous, qu’il faut sortir du référentiel conservateur qui confine la femme à son rôle d’épouse et de mère. La femme ne doit pas considérée comme appartenant à une entité mais en tant qu’individu libre.
ILLI : Le dossier semble tout à coup s’emballer ?
N. R. : A l’échelle internationale, une résolution signée par le Maroc avec l’ONU (bailleur de fond), dans le cadre du CEDAW (Convention sur l’élimination de toutes les discriminations à l’égard des femmes), oblige les pays signataires à promulguer une loi contre la violence avant décembre 2013. La ministre doit, selon nos sources, présenter cette loi avant la fin de l’année.
ILLI : Vous parlez de sources. N’êtes-vous pas en contact direct avec le ministère de la Femme ?
N. R. : Les associations souffrent d’une rétention d’informations de la part du ministère. Aucune concertation ou réunion n’a été organisée dans le but d’étudier cette loi et d’en faire un texte cohérent en regard de la situation actuelle. Nous pouvons apporter des chiffres et des recensements récents, mais nous ne trouvons pas d’interlocuteurs ! Seul le discours du 8 mars dernier nous a laissé entendre que la ministre déposerait la loi en fin d’année. Ce qu’elle contient, ce qu’elle prône ou dénonce, sur quoi elle se base, nous n’en savons rien. La loi fait l’objet d’une véritable omerta, à croire que parler de la violence faite aux femmes relève encore du tabou.
ILLI : Pourquoi, selon vous, ce silence ?
N. R. : Certainement pour éviter une pression de la société civile et du mouvement associatif ! Nous avons soumis un projet de loi et un mémorandum. Ce travail parallèle est ignoré alors qu’il se voulait complémentaire. Ce silence est cadré par un enjeu politique. C’est bien connu, la carte de la femme est une carte politique à l’échelle internationale.
ILLI : La loi en projet pourrait-elle ne pas être conforme aux accords internationaux signés par le Maroc ?
N. R. : Nous ne pouvons rien dire tant que nous n’avons pas d’écrit de la part du ministère. Nous sommes dans le flou le plus total. La question qui se pose est la suivante : comment le ministère peut-il déposer une loi dans les deux mois à venir sans la rendre publique au préalable ? Nous attendons de la transparence et un échange de la part du ministère de la Femme. Cette loi doit être basée sur une philosophie de dignité et d’égalité homme-femme. Une loi contre la violence dans la famille destitue la femme de son rôle premier : être femme. L’état doit assumer ses responsabilités de protecteur des droits humains.
” باركا من العنف ” و “اليوم قبل غدا قانون إطار ولا بد” شعارات رفعتها الحركة النسائية اليوم بالرباط
دعت الحركات النسائية بالمغرب”،اليوم الأحد بالرباط ، في وقفة احتجاجية ، الحكومة إلى التدخل من أجل وقف جرائم الاغتصاب وكل أشكال العنف المرتكبة ضد النساء.
واستنكرت المحتجات اللواتي جئن من مختلف أرجاء المملكة، ورددنا شعارات من قبل ” باركا ـ براكا، من العنف ضد النساء”، و “اليوم ـ اليوم، قبل غدا قانون إطار ولا بد”،” واش الوزير، في إشارة إلى وزير العدل والحريات مصطفى الرميد، كيسمع الإحصائيات ـ كتخلع”، تزايد نسبة العنف ضد النساء.
المحتجات اعتبرن”ممارسة العنف ضد المرأة، اعتداء على الإنسانية بأكملها”، مؤكدات أن جميع الجرائم التي ترتكب ضد المرأة تتعارض مع المبادئ الإنسانية والدينية.
وأمام هذا الوضع، الذي ينذر بعواقب وخيمة على المرأة وعلى المجتمع، ويعتبر إجهازا على حقها في السلامة والأمن والعيش الكريم، في ظل تعثر التحقيقات، في عدد من القضايا التي رددت خلال الوقفة أمثال (أمينة الفيلالي بالعرائش، بشرى بالبرنوصي، وفاء بأكادير ، والسعدية بالعاونات وغيرهن كثيرات)، وتكاثر عدد النساء المعنفات اعتقادا من مرتكبي هذه الجرائم بالإفلات الأكيد من العقاب، دعت المحتجات إلى إنصاف المعنفات، بما يضمن السير السليم للعدالة، وتحقيق الإنصاف للضحايا، وحماية النساء من العنف، كما يؤكد عليها الدستور المغربي، وكل الاتفاقيات الدولية، التي صادق عليها المغرب، خاصة اتفاقية سيداو لمناهضة كل أشكال التمييز تجاه النساء، و العهد الدولي للحقوق المدنية و السياسية”.
آش بريس